GROUPEMENT BELGE DE LA PORTE OUVERTE

pour l'émancipation économique de la travailleuse

Bulletin de novembre 2015

Périodique mensuel d'information et d'opinion féministe; les articles signés n'engagent que la responsabilité de leur-s auteur-e-s.

Plusieurs études confirment la persistance des inégalités entre hommes et femmes

Trois études récentes nous offrent un regard concordant sur les inégalités persistantes relatives à la situation des femmes dans le monde et en France.

1. Sur 173 pays étudiés, 155 présentent encore au moins une loi handicapant les possibilités des femmes dans la vie économique ; 943 différences légales ont été dénombrées. Dans 100 pays, des restrictions existent en matière d'accès à l'emploi ; dans 18 pays, les maris peuvent encore légalement empêcher leur épouse de travailler à l'extérieur. Néanmoins, en l'espace de deux ans, des progrès ont été engrangés dans 65 pays.

Source: Highlights from Women, Business and the Law 2016 , Getting to Equal

Échelle cassée, plafond de verre ou plancher collant...

2. L'analyse de la situation économique détecte aussi des inégalités persistantes: l'accès à l'emploi progresse mais «on constate que les femmes restent une variable d'ajustement privilégiée dans un contexte de libéralisation et de crise économique». Plus souvent au chômage, elles ont aussi plus de risque de perdre leur emploi. L'emploi des femmes reste cantonné aux postes les moins valorisés, dans l'agriculture, le commerce et les services. Elles sont moins payées et davantage touchées par la pauvreté. Aux Etats-Unis, le taux de pauvreté des femmes était de 14,5% contre 10,9% pour les hommes (2011). Et surtout, les femmes continuent de faire des doubles journées.

Source: Attané Is (dir), L'Atlas mondial des femmes, Institut national d'études démographiques, éd. Autrement

3. Le conseil économique social et environnemental (CESE) de France a dressé en un panorama inédit de la place des femmes dans les organisations de la société civile représentées au CESE.

La part des femmes dans les exécutifs des organisations ne progresse que très lentement et une division sexuée du travail persiste. Il existe un déficit de modèles féminins, la figure traditionnelle du militant restant très largement masculine. Il se conjugue, sous l'influence de l'éducation et des normes sociales, à une tendance des femmes à sous-évaluer leurs compétences, à culpabiliser lorsque leur engagement déborde sur la sphère familiale, aboutissant à une autocensure, voire un sentiment d'illégitimité confortés par un entre soi masculin et le contournement encore trop fréquent des règles mises en œuvre pour favoriser la parité.

Les organisations ne prennent pas encore suffisamment en compte les thématiques plus spécifiques aux femmes, tant professionnelles (égalité professionnelle, conciliation des différentes sphères de la vie etc.), qu'économiques («taxe rose») ou sociales (remboursements de certaines pilules contraceptives etc.).

Source: Guichet, Cl, Les forces vives au féminin

Bientôt une norme internationale contre les violences sexistes au travail?

Béatrice Ouin, rapporteuse de l'avis

Le Comité économique et social européen (CESE), organe consultatif auprès de la Commission Européenne, du Parlement et du Conseil Européen, a adopté un avis se prononçant «Pour une Convention de l'OIT contre les violences sexistes au travail».

Cet avis établit un constat remarquable sur les violences sexistes au travail: à l'échelle mondiale, 35% des femmes sont victimes de violence directe sur le lieu de travail et entre 40 et 50% d'entre elles ont fait l'objet d'avances sexuelles indésirables, de contacts physiques non désirés ou d'autres formes de harcèlement sexuel. 45% des femmes dans l'UE disent avoir été victimes une fois ou l'autre de violences sexistes. Entre 40 et 45% rapportent qu'elles ont fait l'objet de harcèlement sexuel au travail. On estime qu'en Europe, chaque jour, sept femmes meurent des suites de violences sexistes.

Le Comité propose d'impliquer les associations et notamment les syndicats, plaide pour la formation aux inégalités de genre des professionnel-le-s de la santé, de la police et de la justice en charge des victimes de violences sexistes. Le CESE se prononce également pour une prévention de ces violences via les médias et l'enseignement de l'égalité à l'école. Source: www.50-50magazine.fr/2015/10/02/20927/

Tâches domestiques: les femmes en font moins, mais toujours plus que les hommes

Au cours des 40 dernières années, on assiste à diverses évolutions en France: baisse du temps de travail total, celle du temps de travail marchand chez les hommes et celle du temps de travail domestique chez les femmes ; hausse du «temps parental» ; hausse du temps de loisirs, moins rapide toutefois en fin de période ; rapprochement graduel des emplois du temps moyens des femmes et des hommes, sans toutefois aboutir à l'égalité. Ces constats rejoignent, globalement, ceux d'autres travaux dans le monde.

Femme et temps

Pour les femmes la contribution des changements des niveaux d'éducation a été positive pendant presque toute la période sur l'évolution du temps de travail professionnel et du temps de loisirs, et négative sur celle du temps domestique. La réduction de la taille des familles a aussi contribué à la baisse du temps de travail ménager ; en revanche, le temps total consacré aux enfants a augmenté (de 25% en près de 40 ans à nombre d'enfants donné), résultant en partie d'une plus grande implication des pères (et des grands-parents) mais aussi de la forte progression du temps passé à accompagner des enfants dans leurs déplacements.

Les femmes font moins de travail domestique que par le passé, mais l'inégalité entre hommes et femmes demeure forte, tant en ampleur qu'en type de tâches: «Women cook, clean and care while men build and repair» (Ocde, 2011 p. 22).

Source: Cécile Brousse, Travail professionnel, tâches domestiques, temps «libre»: quelques déterminants sociaux de la vie quotidienne - pdf

En 1ère primaire, apprendre à lire, c'est apprendre des rôles stéréotypés

Le Centre Hubertine Auclert a analysé 22 manuels de lecture utilisés en classe de Cours Préparatoire (= 1ère primaire en Belgique) parus entre 2008 et 2015. Ces ouvrages sont des outils de transmission de savoir et de valeurs et devraient donc transmettre un message d'égalité entre les femmes et les hommes. Or, femmes et filles sont sous-représentées et limitées dans leurs activités. Les femmes sont minoritaires dans toutes les sphères où elles apparaissent, sauf dans le cadre de la parentalité et des activités domestiques. Dans la sphère privée, on cantonne les enfants à des activités stéréotypées: les petites filles restent davantage à l'intérieur, font des activités calmes, alors que les petits garçons occupent l'espace extérieur et pratiquent davantage d'activités sportives.

Parmi les adultes, les femmes sont souvent des mères représentées dans des activités domestiques. Elles représentent 70% des personnages qui font la cuisine et le ménage et 85% des personnages qui font les courses. Tandis que les hommes, moins souvent présentés en pères, participent peu à la gestion du foyer, si ce n'est dans des activités traditionnellement masculines (bricolage, jardinage…).

Les femmes sont minoritaires dans l'ensemble des 10 catégories professionnelles identifiées. Alors que 42% des hommes représentés ont un métier, seules 22% de femmes en ont un et elles sont quasiment absentes des métiers scientifiques (3%!). Dans le domaine de «l'imaginaire», elles sont «princesses» ou «sorcières», alors que les hommes sont des «rois», mais aussi surreprésentés parmi les monstres (87,5%). La forme masculine des mots, par exemple des noms de métiers, est présentée comme la forme régulière de la langue, le féminin étant présenté comme une forme irrégulière. Les femmes sont exclues de la langue car les termes ne sont que rarement féminisés.

Le Centre présente dix recommandations en vue de faire évoluer les manuels scolaires.

Centre Hubertine Auclert, Manuels de lecture du CP: et si on apprenait l'égalité? Étude des représentations sexuées et sexistes dans les manuels de lecture du CP - document

NDLR: la Fédération Wallonie-Bruxelles a aussi déjà publié une étude à ce sujet: Sexes et manuels, 112 p, 2012, étude téléchargeable et pouvant être commandée gratuitement via egalite@cfwb.be

Pénaliser les clients des prostituées ou décriminaliser le commerce sexuel?

En France, le gouvernement a déposé un amendement qui rétablit la pénalisation des clients de prostituées dans la proposition de loi qui divise le Sénat (qui est contre) et l'Assemblée nationale (qui est pour) depuis deux ans. Il prévoit une contravention de 1.500€ maximum et de 3.750€ en cas de récidive en arguant que le projet «permet d'indiquer la responsabilité des personnes achetant un acte sexuel, alors que la prostitution est source de violences», et «vise à dissuader la demande et à décourager les réseaux». Par ailleurs, le budget 2016 de lutte contre la prostitution doublé.

Par contre, Amnesty International, une des organisations de droits humains la plus proéminente et respectée au monde, propose de décriminaliser totalement le commerce sexuel, y compris les maquereaux, les propriétaires de bordels et les acheteurs de sexe dans l'espoir de protéger les individus prostitués. Le commerce sexuel deviendrait ainsi un employeur acceptable et désirable (sic!). La direction d'Amnesty a ignoré les milliers de voix des mouvements globaux de femmes de la base, des survivantes de la prostitution, des intellectuelles (scholars) et chercheuses, des dirigeants lesbiens et gays et d'autres incluant un ancien Président US et les héritiers de Martin Luther King, Jr.

Les organisations féministes ont immédiatement réagi. «Légaliser la prostitution et dépénaliser le proxénétisme, c'est renforcer la traite et l'esclavagisme sexuel», dénonce une tribune publiée le 8 août dans Libération, et signée entre autres par les Femen, Osez le féminisme et l'Amicale du Nid. «Une organisation de droits humains visionnaire élabore sa mission sur ce qu'on aimerait que le monde soit, pas pour s'adapter à la souffrance énorme qui existe. Mais jusqu'à ce qu'Amnistie rectifie cette faute, sa légitimité est ternie ; son âme est perdue ; sa chandelle est éteinte», comme le formule joliment Taina Bien-Aime, directrice exécutive de la Coalition contre le trafic des femmes (CATW).

Daech incite au viol collectif: pour convertir les femmes ou satisfaire ses combattants?

«Si dix combattants de Daech violent une femme, elle deviendra musulmane», préciserait une lettre du chef de l'État Islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, révèle un article de l'Express UK, qui montre comment le groupe inciterait au viol collectif. Ce n'est pas la première fois que Daech justifie par une idéologie les sévices sexuels infligés aux femmes. Le New York Times a consacré un article à la «théologie du viol» menée par le groupe grâce à de nombreux témoignages recueillis auprès d'anciennes captives yazidies, un peuple considéré comme impie aux yeux de ces fanatiques. Des vingt-et-une femmes interrogées par le journal américain, ressortaient des pratiques communes - comme la prière avant et après le viol.

Elles sont mêmes devenues «un outil de recrutement pour attirer les hommes des sociétés musulmanes très conservatrices, où le sexe est tabou et le dating interdit», notait le New York Times. L'article de l'Express note aussi que plusieurs observateurs pensent que cela permet de recruter de nouveaux hommes et de les maintenir «heureux» à un moment où ils sont décimés par les tirs des forces aériennes russes et où leurs finances commencent à s'éroder. NDLR A nos yeux, aucune religion, aucune faction, aucune idéologie, ne peut s'arroger le droit de violer des femmes ni de les maintenir en esclavage.

Source: madame.lefigaro.fr/societe/daesh-viol-collectif...

«Stop djihadisme», une campagne française pour enrayer les départs, … des filles aussi

Trois jeunes femmes parties de Londres en février 2015. Photo AP Metropolitan Police

Les départs de jeunes pour la Syrie n'épargnent pas les femmes. D'après un récent rapport de l'Institut stratégique du Dialogue britannique, une association luttant contre le radicalisme, sur les 4000 Occidentaux qui auraient rejoint les rangs du groupe «Etat islamique», plus de 550 seraient des femmes. Elles sont souvent aspirées par le biais des réseaux sociaux ou embrigadées à la manière des sectes. Leurs parents, leurs ami-e-s ne voient souvent rien venir. Et lorsque ces proches découvrent leur disparition, il est déjà, le plus souvent, trop tard. Puis leur famille reste longtemps sans nouvelle.

La plupart sont célibataires et jeunes. Leur profil socio-économique, leur origine ethnique et leur religion sont très diverses mais elles sont souvent plus instruites et meilleures élèves que les garçons aspirants djihadistes. Elles s'activent en tant qu'épouse, mère, recruteuse voire, en promouvant la violence sur les réseaux sociaux. Elles commencent à être vues comme une menace préoccupante par des services de sécurité occidentaux: moins susceptibles d'être tuées mais davantage de perdre un mari au combat, elles pourraient revenir à la maison endoctrinées et prêtes à nuire. Une femme djihadiste a d'ailleurs été impliquée dans les attentats de Paris.

Le gouvernement français a ouvert numéro vert et lancé un site en vue de combattre la radicalisation «Stop djihadisme». Il a lancé une campagne vidéo, avec les témoignages de familles qui ont perdu un enfant.

Source: information.tv5monde.com/terriennes/...

Matinée de réflexion avec Dominique Roynet (GACEHPA), Clare Murphy (BPAS - UK) et l'IPPF (Sous réserve). En 30 ans, les avancées médicales ont permis d'améliorer la santé sexuelle des femmes.

Entre la défense du droit à l'avortement pour toutes et la lutte contre les discriminations de genre, la sexo-sélection, via une technologie plus performante, met-elle à l'épreuve pratique et éthique?

Samedi 12 décembre 2015 de 9h00 à 12h30 - Cinéma Aventure - Galerie du Centre Rue des Fripiers 57, 1000 Bruxelles - PAF: 35€ (à payer à la caisse)

Inscriptions obligatoires avant le 6 décembre Gacehpa: 02-502.72.07 ou communication@gacehpa.be


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