GROUPEMENT BELGE DE LA PORTE OUVERTE

pour l'émancipation économique de la travailleuse

Bulletin d'avril 2008

Périodique mensuel d'information et d'opinion féministe; les articles signés n'engagent que la responsabilité de leur/s auteur/e/s.

Sommet européen de printemps

En mars dernier, les chefs d'état et de gouvernement européens se sont réunis afin de faire le point sur l'état d'avancement des objectifs de la stratégie de Lisbonne en matière de croissance et d'emploi. Si l'objectif d'atteindre 60% de taux d'emploi d'ici 2010 est en bonne voie, les emplois créés restent très accrochés à la dichotomie traditionnelle en emplois «masculins» ou «féminins», assortie des conséquences salariales tout aussi traditionnelles, en défaveur des emplois féminins. Pas de progrès non plus sur le plan des conditions de carrières féminines: caractère discontinu des carrières de femmes, indigence des modes de garde d'enfants, déficience en matière de partage des tâches ménagères (et donc d'une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale). Au contraire, l'introduction de nouveaux styles de gestion du personnel (flexibilité, «flexicurité») risquent d'augmenter l'instabilité de l'emploi d'une série de femmes, ainsi que les contraintes dues au découpage de leur temps de travail selon le bon vouloir de l'employeur (ou du secteur tout entier). Le risque est grand de voir ce nouveau mode de travail aboutir, non à la progression souhaitée vers plus d'égalité, mais au contraire à accentuer l'enfermement des travailleuses dans une vie écartelée entre emploi partiel peu gratifiant et travaux domestiques ingrats et non rémunérés.

Affaires de femmes

Un projet lancé par Crédal en 2004 s'adresse aux femmes sans emploi qui souhaitent créer une activité mais sont confrontées à divers freins. Après 3 ans, plus de 99 femmes ont été accompagnées et 36 ont créé ou retrouvé de l'emploi. Vu ces résultats, le Crédal a décidé de créer un département à l'usage des candidates francophones. De plus en plus de femmes osent imaginer devenir entrepreneures mais souhaitent un accompagnement en début d'activités; pour ce faire, le programme accompagne les femmes qui ont auto-créé leur emploi durant 4 mois. Grâce à un travail en réseau, ces femmes peuvent aussi être aidées par d'autres opérateurs. Pour en savoir plus: www.credal.be

Contre les jouets sexistes

L'association antisexiste Mix-cité et le Collectif contre le «publisexisme» prennent la parole dans un ouvrage ambitieux et percutant, qui révèle l'ampleur de la discrimination sexiste que subissent les enfants et la manière dont se construisent le masculin et le féminin au travers des jouets et de leurs usages. Ce livre propose des pistes pour combattre et faire reculer le sexisme au quotidien dès le plus jeune âge.

Pour en savoir plus, lire: Contre les jouets sexistes, ouvrage collectif, édition L'échappée, collection Pour en finir avec? Ou surfer sur www.lechappee.org

EQUAL

Le mois dernier, l'Agence Fonds social européen a organisé un séminaire de clôture des projets du programme EQUAL. Ce programme avait pour but d'expérimenter au niveau national et transnational de nouveaux moyens de lutte contre les discriminations et les inégalités dans le domaine de l'emploi. Outre divers stands fournissant de la documentation, signalons la publication d'un guide de recueil de tous les projets qui était à la disposition des participant-e-s (service Animation de l'Agence du Fonds social européen; renseignements sur animationthematique@fse.be ou au 02/2343974).

Cinq axes avaient été choisis pour développer des projets:

  • la capacité d'insertion professionnelle et la réintégration sur le marché du travail;
  • l'esprit d'entreprise et la création d'entreprise;
  • la capacité d'adaptation et la formation tout au long de la vie;
  • l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et la conciliation vie familiale et vie professionnelle;
  • les«demandeurs» d'asile;

Nous développerons les projets «égalité des chances» dans une prochaine circulaire.

Porno pour les ados

Une enquête menée en 2007 par les mutualités socialistes auprès de plusieurs centaines de parents d'adolescents de 15 à 20 ans (Le Vif, l'Express du 30/11/07) s'interroge sur la consommation de pornographie par leurs enfants. La moitié des parents reconnaissent l'influence du «porno» sur leurs grands garçons, mais parmi les 50% de parents qui croient que leur adolescent ne subit aucunement cette influence, nombre se font des illusions: en fait un tiers seulement de ces jeunes ne consomment la pornographie ni sur les sites appropriés, ni par des films et DVD, ni par des revues spécialisées. Le plus inquiétant n'est pas que 10% des jeunes consomment de la pornographie plusieurs fois par semaine, mais plutôt que chez eux la frontière entre la réalité et la fiction semble très mince et qu'ils risquent de vouloir reproduire les pratiques sexuelles qu'ils ont intériorisées de la sorte. Les commentaires issus de cette enquête ne témoignent pas tous d'une prise de conscience des risques qui en découlent, et nous le regrettons. Néanmoins, un médecin interrogé dénonce les idées reçues véhiculées par la pornographie et leur impact dangereux sur les relations entre les hommes et les femmes. Nous ajouterons que tout laxisme qui se manifeste face à un manque de respect vis-à-vis de l'autre sexe (et généralement, vis-à-vis des femmes) est une incitation aux dérives machistes.

Viols impunis

Les viols massifs et systématiques de femmes, jeunes filles, et même fillettes, au Kivu, par des bandes d'hommes en armes sont dénoncés par les organisations humanitaires qui séjournent dans la région. Nous souhaitons relayer le cri d'indignation des comités de l'USUMA - ASUMA et tous les membres des congrégations religieuses œuvrant au Katanga, en citant un de leurs constats: «Nous constatons avec regret, non seulement que la grande majorité de ces crimes reste impunie, mais aussi que les auteurs de ces agissements courent sans être inquiétés et récidivent sans rien craindre, mais augmentent toujours davantage le degré de leurs exploits barbares.»

Ce qui nous renforce dans l'idée qu'effectivement, sans une condamnation franche et tangible de la part de la Société, assortie de peines et de devoirs de réparation, il n'est pas de limite à la barbarie.

Le plaisir de tuer d'un «psy»

Une pétition initiée par quelques médecins français s'indigne des écrits «pousse-au-viol» d'un de leurs confrères, le Docteur Michel DUBEC, psychiatre et expert national auprès des tribunaux. Ce dernier, dans son récent ouvrage, «Le Plaisir de tuer» (Ed. du Seuil 2007), - nous citons - «semble avoir dérogé à plusieurs articles du Code de déontologie médicale en tenant un discours sexiste qui fait l'apologie du viol, en portant un regard bienveillant sur le bourreau au sujet duquel il doit statuer (Guy Georges) et en manifestant une compréhension quasi-admirative et machiste pour ses prouesses sexuelles, teintée de solidarité fraternelle à son égard. [?] Au sein de ce livre, le Docteur DUBEC fait l'apologie du CRIME de viol qu'il banalise totalement à l'instar d'une expérience sexuelle masculine parmi d'autres, et occulte systématiquement les horribles souffrances subies par les victimes, selon des critères qui font froid dans le dos [?]. Dans «Le Plaisir de tuer» ce médecin abuse de l'autorité que lui confère sa qualité d'expert psychiatre national auprès des tribunaux (statut qu'il revendique clairement dans ses écrits) pour légitimer le crime de viol et cautionner de cette façon toutes les atteintes à l'intégrité et à la dignité des femmes et des fillettes.

Et l'auteur de la pétition de conclure: «Si le Docteur DUBEC parvient à une explosion aussi intense de ses propres sens (ce qu'il reconnaît volontiers), à une complaisance malsaine avec le violeur tueur et à une connivence sexiste lors d'une procédure telle que celle concernant Guy Georges multi-récidiviste, cet état altère et fausse son discernement et sa capacité à mener à bien sa mission d'expertise psychiatrique avec toute la rigueur et l'impartialité requises à cet effet.»

Sans commentaire? Si, un: il nous apparaît criminel de ne pas dénoncer clairement le crime de viol.

Pétition à signer: contrelepsyquijustifieleviol@voila.fr
Plus d'info: par exemple, sur http://www.lmsi.net/spip.php?article737

Karima: les langues doivent se délier

Jeune verviétoise d'origine marocaine, Karima a osé briser le silence. Dans Insoumises et dévoilée (aux Editions Azimuts, 2008), elle raconte son parcours pour la conquête du droit à disposer librement de sa vie et de son corps. Un parcours fait de luttes et de révoltes. Depuis, Karima menacée de représailles par ses proches a été a été assignée en référé par ses parents, pour que son livre autobiographique soit interdit. Fort heureusement, un jugement raisonnable fut rendu par le tribunal de Verviers ce début avril, autorisant la poursuite de la diffusion de l'ouvrage. Le jugement relève que le récit est le témoignage d'une vie entière et pas uniquement centré sur la vie de famille, que les termes utilisés par l'auteure n'ont pas pour volonté de porter atteinte aux droits des demandeurs et qu'il ne s'agit nullement d'un acte accusatoire dirigé contre sa propre famille. Concernant les passages que la famille voulait voir retirer, le tribunal a estimé qu'il ne s'agit pas «d'une circonstance qui justifie l'ingérence dans la liberté d'expression». Les éléments ne permettent pas d'identifier les demandeurs, précisant encore que ce livre «n'outrepasse pas les limites de la liberté d'expression».

A Verviers, une jeune femme courageuse a été soutenue par l'Autorité judiciaire  sa dignité de femme a été reconnue, ses choix de vie personnelle respectés, et la liberté d'expression a été réaffirmée. Merci pour elle, merci pour toutes les femmes, merci pour nous tous.

Voir: http://www.niputesnisoumises.be/new_web/spip.php?article94

© Porte Ouverte 2008

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