GROUPEMENT BELGE DE LA PORTE OUVERTE

pour l'émancipation économique de la travailleuse

Bulletin de juin 2007

Périodique mensuel d'information et d'opinion féministe; les articles signés n'engagent que la responsabilité de leur-s auteur-e-s.

Nouvelles lois anti-discrimination

Les nouvelles lois anti-discrimination ont été publiées au Moniteur Belge le 30 mai 07. Concrètement, à partir du 31 mai, les personnes qui s'estiment victimes d'une discrimination disposent des outils nécessaires pour que le ou la juge organise «le partage de la charge de la preuve»: dès lors que le ou la juge dispose d'éléments qui permettent de présumer d'une discrimination (par exemple, une récurrence de traitement défavorable ou bien des éléments de comparaison entre deux groupes), ce n'est plus à la victime d'apporter la preuve de cette discrimination mais à l'auteur présumé de prouver qu'il n'a pas discriminé.

Les victimes et les témoins seront également mieux protégé-e-s contre d'éventuelles représailles puisque la loi interdit toute mesure préjudiciable (licenciement, etc.) qui serait prise contre une personne qui a introduit une plainte ou contre les témoins. La loi introduit désormais des sanctions plus effectives via un système d'indemnités (par exemple, 6 mois de rémunération brute dans le cas des discriminations à l'embauche),

Question parlementaire

Une députée bruxelloise a interpellé récemment le ministre de l'emploi P. Vanvelthoven sur «la classification de fonctions dans la lutte sur la discrimination salariale» (n° 14898).

Rappelant qu'un guide pratique de l'application d'un système d'évaluation de fonctions neutre en termes de genre a été élaboré en mai 2006, elle s'interroge sur la «validité» de la «check-list» élaborée pour aider les entreprises et les partenaires sociaux à réaliser une classification de fonctions «sexe-neutre». Cette check-list, aujourd'hui finalisée et prochainement disponible a été élaborée entre L'Institut pour l'Égalité des Chances et les partenaires sociaux, mais en l'absence des représentant-e-s des employeurs.

Fort heureusement, le Ministre a pu préciser qu'il recommandait l'usage de cette check-list et que la FEB la soutenait, son absence aux réunions étant due uniquement à des incompatibilités de calendrier. D'ailleurs, a-t-il ajouté, les partenaires sociaux, à travers l'accord interprofessionnel, encouragent les entreprises et les secteurs à tester leur système de classification en termes de neutralité de genre.

Intégration d'une perspective de genre dans le système éducatif

La Commission Enseignement du Conseil des Femmes francophones de Belgique vient de réaliser un dossier qui dresse l'état des lieux succinct de la situation en Communauté française en matière d'égalité à l'école. L'analyse fait remarquer que le constat des maux frappant l'enseignement s'appuie sur le seul critère des performances scolaires, qu'il s'agisse des résultats obtenus aux différentes évaluations internationales ou des statistiques de la Communauté française portant sur l'échec scolaire.

Or si le critère échec/réussite s'avère essentiel pour comprendre les inégalités à l'école, il ne fait pas nécessairement apparaître toute les formes de ségrégation sociale et en particulier les ségrégations sexuées; celles-ci ne sont pas uniquement verticales ou horizontales mais semblent affecter tous les niveaux, via des mécanismes subtils de familiarité, de choix, de goût ou de processus discriminants très discrets qui doivent être repérés et interprétés dans le contexte d'une société marquée dans les faits par une hiérarchie des sexes. Quelques pistes d'action sont proposées dans le dossier qui est consultable sur le site http://www.cffb.be (rubrique «documentation»).

Banque de données «Sophia»

L'ASBL Sophia a réalisé un recensement des recherches et des enseignements sur le genre , les femmes, le féminisme et les rapports sociaux de sexe en Belgique depuis 1995.Chaque résultat est présenté sous forme d'une fiche descriptive et la banque sera régulièrement complétée. Celle-ci est consultable sur le site www.sophia.be et des informations peuvent être obtenues à l'adresse: info@sophia.be

Un silence de mortes… à méditer

Patricia Romito a publié il y a quelques mois aux éditions Syllepse un ouvrage intitulé «Un silence de mortes, la violence masculine occultée»,

Elle y montre qu'aussi bien les petites filles abusées par leur père que les femmes maltraitées par leur mari étaient encore, il n'y a pas si longtemps, traitées de menteuses ou de mythomanes. Actuellement, la presse fait état de cas très médiatiques, présentés isolément et à condition que les auteurs y apparaissent au coeur d'une situation d'exception parce que sous l'emprise d'émotions incontrôlable («il l'aimait trop et ne voulait pas la perdre») ou au contraire malade d'une absence pathologique des dites émotions.

Toute une série de professions (des psychologues aux avocats, en passant par les travailleurs de la santé) s'est emparée de ces cas faisant la part belle à une stratégie consistant à médicaliser et professionnaliser le phénomène. Des thèses en vogue pour défendre les auteurs comme celle du «syndrome d'aliénation parentale» est très en phase avec la montée des lobbies de pères divorcés ou séparés qui organisent la défense des hommes accusés d'inceste ou des hommes «injustement accusés» de violence; le concept d'«incapacité à protéger» accuse les mères qui n'ont pu épargner à leurs enfants les violences d'un père,

Des «experts», des cinéastes ou des écrivains osent même défendre la pédophilie au nom de «l'amour entre enfants et adultes» ou comme une belle initiation à la sexualité. À côté d'eux, il y a Monsieur ou Madame Tout-le-monde ou ceux et celles qui ne peuvent pas y croire et admettre que ce soit si courant ou alors «dans certains milieux»; ainsi s'additionnent toute une série de mécanismes parvenant à occulter l'ampleur de la violence masculine et à éviter de prendre des mesures qui pourraient l'empêcher,

Voile et services publics

Le bourgmestre d'Anvers a obtenu lors de la négociation du plan de gestion de la majorité communale qu'à partir du 15 janvier passé, tout «signe extérieur de convictions personnelles» soit interdit aux fonctionnaires en contact direct avec le public, et il en sera de même dans les établissements scolaires de son réseau communal.

Par contre , il s'est engagé à garantir le recrutement d'un tiers d'allochtones pour l'ensemble des postes à pourvoir au sein des services communaux. Cette décision visant aussi le port du voile a pris de court le Centre pour l'Égalité des Chances et le Racisme qui cogite depuis longtemps sur la question du port de signes religieux pour les fonctionnaires et ne parvient pas à dégager une position unanime.

Lapidation au Kurdistan

Le 7 avril dernier, Doa Kalil Aswad, une jeune fille de 17 ans, a été lapidée en public parce qu'elle aimait un jeune homme d'une autre religion. Cette horreur a été commise en Irak près de Mossoul par des hommes de son clan appartenant à la communauté religieuse yézidi.

Présentes sur le lieu du crime, les autorités, à savoir la police kurde, n'est pas intervenue. Bien que victimes de nombreuses violences au Kurdistan, des femmes n'avaient jamais été lapidées en public en toute impunité, Cette lapidation est non seulement une honte pour toute la société, mais crée aussi un dangereux précédent. Une campagne internationale vient d'être lancée contre le meurtre et la lapidation de femmes au Kurdistan; vous trouverez les informations nécessaires sur les sites: www.csolidariteirak.org et www.kurdistannet.org

La femme comme question politique

En lien avec l'actualité, et bien que le verdict populaire n'ait pas soutenu les hypothèses de Françoise Héritier, il est intéressant de réfléchir à ce que l'anthropologue écrivait. Celle-ci avait trois convictions quant à la nécessité d'avoir une femme (progressiste) à la tête de la France.

La première est que la question du rapport des sexes est une vraie question politique centrale: «Le modèle archaïque régnant encore en ce domaine nous vient du Paléolithique et a été mis en place par la pensée symbolique... en des temps qui ignoraient d'autres clivages sociaux que celui-là, par des chasseurs collecteurs vivant sur la nature, sans réserves alimentaires ni propriétés à défendre… Ce modèle hiérarchique de pouvoir où les femmes sont mineures et inférieures, est à l'origine de tous ceux qui sont apparus par la suite entre porteurs de couleurs différentes de peau, de castes, de classes sociales... il est le modèle de tous les racismes»

La seconde conviction est que «dans le rapport des sexes, les trois marqueurs dont souffrent les femmes sont la privation du droit de décider de ce qu'il advient de leur corps, la privation de l'accès au savoir et celle de l'accès aux fonctions de l'autorité. Ces marqueurs sociaux permettent la concrétisation et la survie du système conceptuel touchant à la reproduction… Ce modèle est présenté par tous les États qui refusent l'égalité entre les sexes comme un choix culturel spécifique opéré entre diverses possibilités, ce qui est faux: le modèle est universel et nous nous en sommes péniblement et progressivement extirpés que depuis peu, notre exemple me pousse à penser que tous les autres peuples ont la capacité de parcourir le même chemin intellectuel. Mais nous devons pour cela connaître ce chemin et récuser le relativisme culturel rampant qui domine souvent au nom d'une tolérance mal comprise… il faudra lutter contre ces sirènes… et je crois que la candidate en est capable.

Troisième conviction: l'identité collective n'est pas une forme fixe, définissable, transmissible, intouchée entre générations. Elle est toujours entrain de se construire, dans un creuset virtuel avec l'apport des autres, de l'étranger. L'identité individuelle n'est pas non plus pensable sans le recours à autrui… C'est le mélange et la confrontation d'idées et de techniques qui permettent la création de points nodaux d'identités collectives variables au cours du temps. Je fais confiance à la candidate pour arrêter un jeu dangereux qui fait de la recherche d'une identité nationale FIXE à la fois un élément du relativisme culturel et un terreau pour le racisme, l'inégalité et l'exclusion… Rompant avec les représentations archaïques, l'idée fait son chemin qu'une femme a le droit et la capacité de représenter les hommes et les femmes tout comme un homme l'a de droit naturel. Sous cette dernière forme, c'est à la fois la valence différentielle des sexes, le relativisme culturel et le refus de l'égalité dans la toute première altérité qui se manifestaient… Penser qu'une femme est digne de son pays au plus haut point de l'Etat, c'est entrer résolument dans le monde nouveau.

Le QI le plus élevé «du monde»

C'est une femme qui a été désignée pendant 5 ans dans le livre des records Guinness comme ayant ce quotient intellectuel remarquable. Déjà enfant, Marylin Vos avait ce privilège, ayant réalisé à 10 ans un score rarement atteint par les adultes (160 et +); elle a choisi de devenir «opérateur de marché» (trader) à la Bourse. Âgée de 60 ans, elle est maintenant chroniqueuse dans un magazine américain et considère que les tests professionnels de QI sont incomplets pour mesurer toutes les facettes de l'intelligence: de nombreux facteurs différents interviennent ainsi les valeurs intrinsèques qui guident et orientent la pensée, les actions…

Si les hommes, dit-elle, ont longtemps dominé le domaine des sciences, c'est probablement parce que les emplois étaient configurés pour eux.

© Porte Ouverte 2007

Haut de la page