GROUPEMENT BELGE DE LA PORTE OUVERTE

pour l'émancipation économique de la travailleuse

Bulletin de juillet 2003

Périodique mensuel d'information et d'opinion féministe; les articles signés n'engagent que la responsabilité de leur-s auteur-e-s.

Nous n'avons pas de réunion publique en juillet ni en août.

ÉDITORIAL

Les élections législatives du 18 mai 2003 sont passées et on se trouve devant la formation d'un nouveau gouvernement fédéral, c'est-à-dire de la constitution d'une équipe dirigeante et de l'élaboration d'un programme gouvernemental. La composition de ce gouvernement ne peut laisser les féministes indifférent(e)s et on observe avec intérêt la répartition numérique entre les hommes et les femmes politiques, bien que la classification des fonctions ne soit pas comparable à celle qui préside à l'établissement des rémunérations pour la majorité des travailleuses et travailleurs. On peut trouver des emplois et des chances d'avancement dans les cabinets ministériels ainsi que le début ou la confirmation d'une carrière proprement politique. Ces considérations ne concernent qu'une minorité de personnes. Le programme de gouvernement, d'autre part, concerne tout le monde et chacun et chacune d'entre nous. Il importe qu'il soit conforme à l'évolution de l'émancipation des femmes en général et des travailleuses en particulier. C'est pourquoi, à l'instar de tant d'autres associations, le Groupement a adressé au formateur et aux négociateurs et négociatrices du programme gouvernemental, une note résumant nos exigences minimales qui portent sur l'accroissement des chances d'activité professionnelle et rémunératrice pour les femmes, l'individualisation des droits en matière de sécurité sociale et l'extension des moyens d'accueil extra-familial des enfants et des autres personnes dépendantes dont la charge repose en grande partie sur les épaules des femmes.

Les «vacances d'été» ne doivent pas ralentir et diminuer la vigilance féministe et on saura veiller à la réalisation des revendications exprimées.

EMPLOI DES FEMMES

Tout le monde semble d'accord pour considérer que l'emploi au sens large, à savoir l'exercice d'une profession rémunératrice, est un élément essentiel de la vie économique et de l'émancipation d'un individu à l'égard du groupe social de base auquel il appartient.

On parle de la création de 200.000 emplois au cours de la prochaine législature. Il importe que les possibilités d'emploi pour les femmes soient étendues. En effet, dans notre pays, on constate que seulement environ 50% des femmes en âge de travailler ont une activité rémunératrice contre environ 70% des hommes de la même catégorie. On sait aussi que l'éventail des emplois créés pour les femmes est plus étroit que celui des emplois destinés aux hommes. Enfin, on sait que les emplois précaires et atypiques ou à temps partiel sont le lot des femmes.

Cette situation doit changer.

Il est essentiel qu'aucune activité , aucun emploi, ne soit interdit aux femmes. Il importe aussi que des «modèles» de réussite soient présentés aux travailleuses, même dans des domaines non professionnels, dans des performances audacieuses et dans la réussite d'activités diverses.

Il n'est pas indifférent qu'une ou plusieurs femmes fasse(nt) partie d'une cordée escaladant les sommets himalayens ou fasse(ent) du triathlon. De même, il n'est pas indifférent que «le» deuxième cosmonaute de l'histoire ait été une femme : la russe Valentina Terescowa, voici 40 ans, le 16 juin 1963. La victoire de la navigatrice Karine Fauconnier en grand prix multicoques est aussi un exemple.

Les femmes doivent exercer toutes les activités , non pour «imiter les hommes» mais bien parce que ces activités existent.

Un autre exemple est celui de femmes qui appartiennent à un groupe particulier et veulent y jouer un rôle; on pense, par exemple, à la dynamique Monica, 54 ans, aveugle, seule femme participant pour la 3ème fois à une épreuve sportive en tandem, pour non-voyants et mal voyants.

Toutes ces considérations que nous livrons à vos réflexions de «vacances» nous amènent à citer le premier rapport global sur la discrimination au travail, établi par le Bureau International du Travail : «L'heure de l'égalité au travail» (Bureau International du travail, Genève, ISBM, 92-2-212871-0; mai 2003).

Ce rapport étudie toutes les formes de discrimination basées sur divers motifs et déclare ouvertement:

  • que la discrimination fondée sur le sexe/genre est la plus criante et la plus généraliséede toutes les discriminations;
  • que la discrimination de sexe/genre s'ajoute dans les groupes discriminés, aux autres discriminations.

On peut conclure que la discrimination fondée sur le sexe/genre est celle qui, dans le monde, affecte le plus grand nombre des personnes.

N'est-ce pas ce qu'affirment les féministes ?

UN AUTRE SUJET DE PRÉOCCUPATION

...est le maintien de la sécurité sociale et l'explosion du budget de la santé.

Dans la recension d'un ouvrage sur le sujet («Femmes et hommes dans la champ de la santé») et ailleurs, on publie avec complaisance des données sur la manière de pratiquer la médecine qui serait différente selon le sexe/genre des médecins. Cela devrait être comparé à la réalité et il reste à voir quelle est la «bonne» méthode.

Ce que nous voulons souligner c'est que l'argumentation est utilisée pour alimenter la dispute au sujet du numerus clausus dans les études de médecine; autrement dit ceci est encore un sujet où il s'agit d'utiliser les femmes à des fins extérieures à elles-mêmes.

FIN D'ANNÉE SCOLAIRE OU ACADÉMIQUE...
DÉBUT D'ANNÉE SCOLAIRE.

La période actuelle de l'année est propice à la réflexion sur l'enseignement. Nous ne débattrons pas ici des innombrables opinions sur la réforme de l'enseignement. Les choix de l'orientation scolaire ou académique des personnes qui nous importent méritent réflexion et il faut que les choix faits par les intéressé(e)s (et leurs familles) ne reflètent pas consciemment ou non les préjugés ancrés qui règnent encore et dont le plus résistant est ce qu'on appelle classiquement «l'éducation des filles», sujet qui a fait couler beaucoup d'encre et de salive depuis des siècles.

Il ne faut pas limiter inconsciemment ou non les choix des filles à des études qui les préparent«à une profession qui convient à leur sexe», à un métier d'aidant ou à des professions déjà encombrées. Un créneau sur lequel on insiste est la formation aux sciences exactes ou au métier d'ingénieur.

Mais, à ce propos, il y a lieu de formuler trois observations :

  • on se conforme aux préjugés en soulignant que le travail d'ingénieur convient maintenant aux femmes parce qu'il s'est transformé et peut être exercé dans les bureaux plutôt que sur les chantiers; mais on ne dit pas aux femmes que le passage des métiers techniques aux carrières commerciales et financières impliquent des avantages pécuniaires, ce propos est trop souvent réservé aux hommes,
  • on parle d'un mythique «tronc commun» des études de base en oubliant qu'actuellement le choix précoce d'une section scientifique forte semble être un atout décisif pour la suite des études et la carrière. Il faut parfois faire un choix entre l'acharnement au prix d'un redoublement de classe et le passage dans une section plus faible : à cause des préjugés de sexe/genre on fait plus volontiers redoubler un garçon tandis qu'on réoriente plus volontiers une fille vers une section plus faible;
  • les choix dans l'éducation doivent être très précoces et commencer avant l'âge scolaire, notamment lors de l'achat de jouets. Si le commerçant demande de quel sexe est l'enfant auquel le jouet est destiné, répondez :«cela n'a pas d'importance».

UNE PREMIÈRE ÉPHÉMÈRE : LES DEUX ÉLUES FINLANDAISES

C'était une première : un pays avait deux femmes élues au sommet : la présidente de la république de Finlande est une femme depuis mars 2000, Madame Tarja Halonen et, depuis avril 2003, une femme était la première ministre : Madame Anneli Jaatteenmaki. Mais, cela n'a pas duré parce que la première ministre a été amenée à démissionner en juin 2003.

Il est certain que cette situation était exceptionnelle et méritait d'être mentionnée; il ne faut pas oublier que sur le nombre approximatif de 200 États ou pays, l'immense majorité est dirigée par des hommes et que la mixité au sommet de la direction d'un état est l'exception. Rappelons cependant la paire formée par la reine d'Angleterre (souveraine héréditaire) et sa première ministre, lady Margaret Tatcher.

DEUX ANNIVERSAIRES

Il est possible que les mois d'été vous amènent à visiter des sites qui évoquent la vie de femmes d'autrefois ou de naguère. S'il en était ainsi, ne manquez pas de nous faire connaître des figures intéressantes. Mais sans même vous déplacer vous pouvez célébrer à votre manière deux femmes à l'occasion de l'anniversaire de leur naissance.

Le 8 juin 1903, l'écrivaine Marguerite YOURCENAR naissait à Bruxelles, ville qui lui consacre un "espace" (rue aux Laines, passage vers le parc d'Egmont) dont les murs sont ornés de certains de ses textes. Elle a laissé une œuvre considérable et remarquable dont : «Les mémoires d'Hadrien» et «L'oeuvre au noir». Elle fut la première femme à être admise à l'Académie française. Fait peut être mineur mais significatif, les commentaires allèrent bon train au sujet des vêtements que la nouvelle académicienne porterait lors de sa séance de réception. Et, en effet, elle n'avait pas revêtu le célèbre habit vert brodé des académiciens. C'est cependant ce que fit la deuxième académicienne, l'helléniste Jacqueline de Romilly et la troisième, Hélène Carrère d'Encausse qui elle, porta aussi l'épée d'apparat . Quand cessera-t-on de parler à propos des femmes de ces points de détail comme nous l'avons fait ici nous-mêmes ?

En 1803, le 7 avril, naquit à Paris, Flora TRISTAN qui mourut à Bordeaux le 14 novembre 1844. Enfant naturelle d'un noble Péruvien , elle fut une autodidacte. Mariée avec un homme brutal, elle se lança dans la vie de militante sociale et politique et rédigea de nombreux écrits relatant ses observations de la vie sociale et ses voyages notamment en Angleterre. Elle se rendit même au Pérou pour retrouver sa famille paternelle qui la reçut fort mal. A son retour, elle reprit sa vie d'agitatrice sociale et c'est à Bordeaux qu'elle mourut au cours d'une tournée. Un de ses ouvrages a un titre significatif : «les pérégrinations d'une paria». Désormais ne dites plus qu'elle était la grand-mère de Paul Gauguin, mais plutôt que ce peintre était le petit-fils de Flora Tristan.

© Porte Ouverte 2007

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